Pour moi, Twitter s'apparente à une dystopie. Il n'a pas été conçu pour échanger véritablement, débattre, élaborer ou présenter des idées complexes, mais pour balancer des punchlines aussi assassines que vides de sens façon Zemmour ou Soral, en pire, mais avec toutes les variantes idéologiques possibles. Les "gazouillis" existent, mais ils passent globalement inaperçus. Les maîtres sont les "gros comptes", avec leurs milliers de followers prêts à écharper les impudents "petits comptes" moins doués niveau punchlines, et moins protégés par la masse. Mais il suffit d'un mot de travers, même proféré par les maîtres, pour se retrouver avec ses propres followers sur le dos. Même pas un mot de travers: un like, un retweet, suivre la "mauvaise personne", volontairement ou sans s'en rendre compte. Qu'importe? C'est terrifiant et fascinant. Imaginer cette réalité virtuelle dans la vraie réalité pourrait faire un très bon sujet pour un roman de science-fiction.
Personne ne devient grand grâce à Twitter. Personne. Même si on peut en avoir l'illusion. Par contre, il peut suffire d'un seul tweet pour foutre une réputation, une carrière voire une vie en l'air.
En bientôt trois ans de réelle activité sur ce compte, j'ai assisté à peu près tous les jours à des joutes virtuelles d'une violence inouïe. On pourrait penser qu'un réseau social permettrait d'unir les gens. Ce n'est absolument pas le cas. Les innombrables communautés ne cherchent pas ce qui pourrait les rassembler, mais systématiquement ce qui les sépare. La règle, c'est la provocation, la paranoïa, la chasse au traître, à celui qui ne pense pas totalement comme soi-même. Et le but, pour beaucoup, c'est de se faire mousser auprès de sa "communauté" en épinglant un maximum de "méchants" et en affichant au maximum combien on est "comme il faut". Surtout que personne n'est parfait. C'est une banalité affligeante, mais sur Twitter, la plupart des utilisateurs l'ignorent ou s'en fichent totalement. Il faut écraser vite et bien pour prouver qu'on mérite de rester dans son paradis artificiel. Horrifiant, mais aussi passionnant d'un point de vue de l'inspiration artistique (et sans doute d'un point de vue scientifique). Des personnages totalement improbables dans la réalité deviennent d'une banalité absolue sur ce réseau.
Bien sûr, il y a aussi ceux qui restent à l'écart, qui ignorent à peu près tout le monde, qui restent ancrés dans la réalité. Ils tweetent et ne se préoccupent que de ceux qu'ils connaissent en vrai, gardent de la distance, ne passent que quelques minutes par jour, grand max, sur ce réseau. C'est évidemment la meilleure attitude, celle qui vous évitera de finir en hôpital psychiatrique. D'un point de vue littéraire, observer, sans s'impliquer, jamais, est l'option à privilégier. Fermer sa g... au maximum, sauf pour balancer du contenu consensuel, vide, fondamentalement inutile. Le feu ça brûle. L'eau ça mouille. La guerre c'est nul. Et ignorer les provocations qui ne manqueront pas d'arriver, malgré tout.
Et aussi réserver les vraies discussions à la vraie réalité et aux vrais gens. Ou éventuellement à des espaces plus appropriés.