Quand on n'est pas rentier, qu'on doit bosser, s'occuper de son ménage, de sa petite vie, il est à peu près impossible de se consacrer à l'écriture de fictions au quotidien. Dans mon cas, il peut m'arriver de rester six mois sans écrire, pour diverses raisons. Ce qui pose évidemment un sérieux problème. Parce qu'après tout ce temps, je ne me souviens évidemment plus des détails. Pour bien faire, il faudrait que je reprenne à zéro.
De la même façon, écrire ne serait-ce que 200 pages et se rendre compte qu'il y a un problème de structure, qu'il faudrait tout réécrire depuis le début, c'est assez traumatisant. Si ça correspond à quelques semaines ou quelques mois, c'est gérable. Dans mon cas, ça se compte en années.
L'image de l'écrivain qui tape frénétiquement sur sa machine à écrire avant de jeter avec rage sa production ne me convient donc pas du tout.
J'ai besoin d'un plan sur lequel me reposer, d'une méthode qui me permette d'éviter de repartir à zéro, un support.
Mais d'abord, il y a l'idée. Ca ne se maîtrise pas. L'esprit vagabonde et paf elle vient, le coeur se met à battre, les nerfs à se tendre de façon agréable, on la développe, on la travaille, on la juge. Est-ce qu'elle vaut le coup?
Des idées, j'en ai énormément. Je doute de vivre assez longtemps pour toutes les mettre en forme. Là aujourd'hui, sans réfléchir, j'en ai quatre qui me viennent, qui sont à l'étude depuis plus ou moins longtemps. Il y a le projet de réécriture d'un roman que j'ai déjà terminé mais... qui est mal amené, faute de méthode efficace. Plus récemment, l'envie m'est venue d'écrire une comédie romantique entre une personne trans et une travailleuse du sexe, mais il faut que j'y réfléchisse longtemps. J'ai aussi dans les tuyaux depuis un moment un livre plus autobiographique sur mon parcours de transition, mais il est bien trop tôt. Le plus concret reste Les Chroniques de Douchain, qui nécessite encore un gros travail de préparation.
Souvent, je mêle mes idées, même si en apparence elles n'ont rien en commun. Surtout quand elles n'ont rien en commun. Il y a donc une phase de maturation qui est plus ou moins longue. Quand je finis par oublier une idée, c'est qu'elle était mauvaise, ou qu'elle a besoin d'être mélangée avec une autre idée, que je n'ai pas encore eue. Si elle commence à m'obséder et que j'ai des phrases toutes faites qui me viennent, c'est qu'elle est mûre.
Néanmoins, mûre, ça implique aussi un énorme travail. Toutes les idées qui me viennent sont géniales, forcément, mais... il n'est pas toujours simple voire possible de les mettre en oeuvre. Il faut les faire tenir sur la distance, c'est ce qu'il y a de plus compliqué. Une comédie romantique entre une personne trans et une travailleuse du sexe... c'est beau, ça intrigue, mais... il leur faut une histoire, une personnalité, des tics, trouver comment les rassembler, pourquoi, ne pas oublier les rebondissements... Un roman, une nouvelle, une pièce de théâtre, ce n'est pas juste une idée, mais des dizaines, des centaines, des milliers...
Et il faut trouver un chemin pour aller les chercher et les agencer correctement. Bien sûr, on peut se lancer, se faire confiance et découvrir les idées au fur et à mesure. C'est la méthode la plus agréable pour écrire, mais sauf pour des textes très courts, et encore, le résultat est rarement bon. On se perd, on s'éparpille, on se contredit... C'est le meilleur moyen pour se dire, après trois années d'écriture: "merde, il faut que je reprenne depuis le début, je suis trop partie dans tous les sens". L'autre problème, c'est que repartir depuis le début dans ces conditions, c'est nettement plus pénible.
D'où la nécessité de développer une méthode qui conserve au moins en partie le plaisir de la découverte et de l'invention, tout en évitant de devoir tout recommencer. Mais ce sera pour un prochain article.
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