Ce n'est pas un hasard si j'écris surtout du fantastique. Dès la petite enfance, j'ai été confrontée à des phénomènes étranges. Aujourd'hui, je pense que tout est question d'interprétation. Comme j'ai été principalement élevée par ma grand-mère, fervente catholique dont chaque pièce de sa demeure était ornée d'au moins un crucifix, j'ai forcément été orientée vers l'interprétation paranormale. J'imagine qu'il devait aussi y avoir des critères psychologiques. C'était peut-être une façon pour me rendre intéressante. En tout cas, jusqu'en 2005 approximativement, je me suis enfermée dedans.
Vous allez comprendre avec le premier épisode, qui a eu lieu... alors que je n'étais qu'un bébé. C'est ma grand-mère qui me l'a raconté, alors que j'étais ado. Selon elle, j'étais tombée très gravement malade. Et comme elle était seule avec moi, sans téléphone, et que ma fièvre ne cessait de monter, elle a agi en bonne chrétienne. "Un enfant qui meurt sans être baptisé va en enfer", m'a-t-elle dit plus de 15 ans après. Alors, comme elle avait de l'eau bénite et un certain savoir-faire, elle m'a baptisée. Et selon elle, quand elle a fini, j'ai arrêté de crier et ma fièvre est tombée.
Ma grand-mère était tout pour moi, c'était Dieu. Et pourtant, je dois dire que j'ai tout de suite eu quelques doutes sur cette belle histoire. Mais elle peut expliquer ma perception du monde pendant toutes ces années. Elle était l'autorité suprême pour moi.
Pour le deuxième événement, je devais avoir entre trois et quatre ans. J'ai découvert plus de 20 ans après qu'il s'agit d'un grand classique. Une sorte de terreur nocturne, sauf que la plupart des autres enfants l'oublient. Moi, je m'en souviens comme si c'était hier. Il faut dire qu'à force de la raconter...
C'était la nuit. Je dormais. Et puis, je me suis réveillée, dans mon petit lit à barreaux. Sur ma gauche, il y avait... une image qui n'avait rien à faire là. J'y voyais mes parents, ainsi que mon autre grand-mère, sur le canapé de la maison devant la vieille télé en noir et blanc, qui diffusait Spectreman. Me demandez pas pourquoi, j'imagine que ça devait être une scène ordinaire chez moi.
Ensuite, l'image a disparu, mais la porte s'est ouverte, face à moi, avec une lumière étrange qui provenait du couloir. Une ombre immense s'est alors immiscée dans ma chambre pour se planter devant moi, avec ses yeux rouges. J'étais tétanisée par la peur, impossible de réagir. Au bout de ce qui m'a semblé une éternité, l'ombre a bougé et, dans un bruit strident qui accompagnait le mouvement, ma couverture s'est retroussée à mes pieds avant de se remettre à leur place.
Alors, tout a disparu, comme s'il ne s'était rien passé. Je me suis retrouvée dans le noir, sauf que j'ai fait comme un malaise, avec des couleurs psychédéliques devant les yeux, pendant une seconde. Là, j'ai hurlé aussi fort que je pouvais. Ma mère est arrivée, très énervée. Elle a pesté que je la réveille en pleine nuit, a allumé la lumière de ma chambre et est repartie se coucher.
Il m'a fallu de nombreuses années avant de pouvoir de nouveau dormir sans un minimum de lumière.
Par la suite... une coïncidence, qui n'en était pas du tout une pour moi. Au moment exact où ma mère accouchait de ma soeur, j'avais dix ans et... j'avais surtout extrêmement mal au ventre. J'ai longtemps été persuadée qu'il existait un lien entre mes proches et moi. Lien qui me permettait de sentir quand elles allaient vraiment mal. Longtemps après, quand ma grand-mère a fait son AVC, alors que j'étais ado, j'étais dans le bus pour aller la voir. Comme si je l'avais senti. Trouver sa maison vide a été extrêmement pénible pour moi. Savoir ce qui lui était arrivé et surtout les conséquences, a été un véritable traumatisme, suivi d'un long chemin de croix.
Mais c'est une autre histoire.
Il s'est écoulé plusieurs années avant d'arriver à la grande période paranormale de mon existence. Comme je n'arrive pas à dater avec précision, je ne sais pas si mon agression a eu lieu avant ou pendant ces événements. Il m'arrive de penser qu'il y a un lien entre les deux, mais on ne pourra sans doute jamais le déterminer. Je ne suis plus très sûre non plus de la chronologie mais ça n'a pas vraiment d'importance.
Il y avait cette nuit où je dormais avec mon chat. Un moment, il s'est réveillé, est descendu du lit. Comme il y avait toujours au moins un rai de lumière dans ma chambre, j'ai vu sa fourrure blanche se poser au beau milieu du parquet et se tourner vers la fenêtre. Là, j'ai vu une forme bleu pastel apparaître juste devant lui et se tordre, comme si elle se baissait pour le caresser. Et là, j'ai entendu ma douce bestiole... ronronner. La forme s'est redressée, mon chat a fait quelques pas vers la porte, s'est arrêtée et la même scène s'est produite de nouveau, avant qu'il ne quitte la pièce et que la forme ne disparaisse.
Ai-je vraiment vu cette forme? Est-ce que mon jeune cerveau ne l'a pas ajoutée pour rendre cette scène anodine d'un chat qui ronronne tout seul plus cohérente avec mon univers? Sans doute que si.
Il me semble important de préciser qu'à l'époque, quand je racontais ces épisodes à mes amis et camarades, les réactions étaient très mitigées. Certains y croyaient et se passionnaient, d'autres se foutaient de moi, me rabaissaient. J'avais le sentiment que c'était 50-50.
Et je pense que j'ai démarré une sorte de cercle vicieux. Il fallait multiplier les histoires pour donner du corps et donc du crédit à mon récit général. A force, on finirait bien par arrêter de se moquer de moi, non? Hé bien non. Mais je ne le savais pas encore à mon jeune âge.
Cela dit, je n'ai jamais menti et je n'en ai même jamais rajouté. Du moins, pas consciemment.
Avec le recul, je me dis que cet épisode est ridicule, mais... sur le moment, j'ai été véritablement terrifiée. Comme la plupart du temps, c'était la nuit, et j'étais dans mon lit. Je ne parvenais pas à trouver le sommeil. J'avais ce truc, souvent quand je commençais à m'endormir. J'entendais une voix, très faible, comme un murmure. Impossible de comprendre les paroles. Alors, je tendais l'oreille pour mieux entendre. Et d'un coup, la voix change, devient un hurlement, terrifiant et j'ai ce sentiment de violence extrême. Forcément, pour dormir, ça n'aide pas. Ca m'arrivait assez régulièrement et c'est peut-être ce qui m'a tenue éveillée cette nuit-là.
Et puis, subitement, j'ai eu froid, très froid. J'étais frigorifiée, d'un coup sans raison, malgré la couette. Le chauffage, électrique, chez mes parents, fonctionnait avec des capteurs qui permettaient de réguler la température via le thermostat. Rien de bien original. Et les radiateurs claquaient quand ils fonctionnaient. Cette nuit-là, mon radiateur s'est mis à claquer, encore et encore et encore... Dans mon jeune esprit, il se passait quelque chose de totalement anormal. Je me suis réfugiée sous ma couette, recroquevillée et j'ai attendu. Je tremblais, de froid, de trouille. J'étais dans le noir. Mon imagination me montrait le diable et les pires monstres qui s'intéressaient à moi depuis mon enfance.
Je crois que j'ai fini par prendre mon courage à deux mains pour me réfugier dans le lit de mes parents, qui m'ont accueillie... très froidement. Jamais ils ne m'ont prise au sérieux. S'ils m'avaient au moins écoutée, rassurée... Peut-être que c'est finalement ce que je cherchais, inconsciemment.
J'ai eu plusieurs chats, avant de devenir allergique. Parce qu'ils avaient tendance à disparaître de façon... très prématurée. Probablement un voisin sadique qui les détestait.
Ce chat-là avait un caractère très indépendant et il supportait assez mal qu'on le touche. Pas le compagnon idéal pour une collégienne.
Comme pour le précédent, la scène se déroule en pleine nuit. Il dormait lui aussi avec moi et il s'est réveillé pour se mettre, là encore, au centre de la pièce. Non sans avoir feulé en direction de la fenêtre. J'avais senti, moi aussi, une présence inquiétante de ce côté. Posé sur le sol, il a feulé une seconde fois alors qu'une sorte d'éclair a éclairé le tour de mes volets en bois. Pour finir, il a filé à toute vitesse en passant par ma porte, toujours entrouverte, pour me rassurer.
Je ne l'étais pas du tout, à ce moment.
Petit interlude. Autant j'ai vécu une enfance plutôt sympa, autant les années 90 ont été un véritable cauchemar pour moi. C'est à cette époque que j'ai commencé à noter que le chiffre 9 avait une influence extrêmement négative sur ma vie. Mon chiffre porte-malheur.
Pour le coup, j'ai beau être nettement plus rationnelle aujourd'hui, je ne peux que constater qu'effectivement, tous les 10 ans, je déguste sévère, avec un climax en 1999. J'essaie de ne pas trop y prêter attention, je me dis qu'il doit y avoir une part de prédictions auto-réalisatrices, un biais de confirmation... N'empêche que 2020 a été pourrie, mais bien moins que 2019. 2009 a aussi été une date charnière dans ma vie. Mais oui, 1999... J'y viendrai en temps utile. Bien avant ça, il y a eu l'aura de lumière, la divination, les courants électriques, les cauchemars...