Quand je relis mes derniers textes, j'ai souvent cette impression très étrange que... c'est tellement bon que j'ai l'impression que ça a été écrit par un autre. Avant, quand je me relisais, au bout d'un moment j'en venais à me dire "oui, ok, il y a de bonnes choses, mais...".
C'est comme si, depuis quelque temps, une muse avait décidé de me souffler ce que je dois écrire.
En général, le matin, je me relis, et je trouve toujours des petites choses à améliorer. Des incises à préciser, des virgules à ajouter, des répétitions à éviter, des formulations à clarifier... Et là, je sais, sans conteste, que c'est moi qui pilote.
Mais l'après-midi, je suis dans la phase création et c'est totalement différent.
J'ai décidé de me mettre devant mon traitement de texte à 14h. Comme je suis une rebelle, la plupart du temps, il est au moins 14h30 quand j'y reviens. Là, je pousse un grand soupir en me demandant ce que je vais raconter. Comme rien ne vient, je me réfugie sur mes réseaux sociaux, et le temps passe...
Vers 15h30, j'en suis toujours à me dire que je suis une fraude, que je suis naze. Particulièrement en début de semaine. En ce moment, je bute particulièrement sur l'usage du plus que parfait et j'en viens à m'interroger sur ma prétention à écrire des romans alors que je ne maîtrise même pas ce basique.
Sauf que, je sais, au fond de moi, que tout ça va se débloquer vers 16h, comme par magie.
Je vais lancer une phrase, et là, mon cerveau, ma muse, la magie - appelez ça comme vous voudrez-, va se mettre à fonctionner et ça peut aller jusqu'à une frénésie difficile à arrêter.
"Et là bam, je lui fais faire ça, et puis elle dit ça et pif l'autre, elle réagit comme ça. Il suffit que je l'amène comme ça. Allez, je fonce, je m'occuperai des détails plus tard. Plus que parfait ou passé composé? Plus que parfait, évidemment!"
Et le récit se déroule, naturellement, de façon logique, cohérente. Évidente. Mes personnages s'agitent comme s'ils étaient réels. Je suis le vague plan que j'avais en tête au départ, et je l'habille de multiples détails, je le change, je le peaufine, je l'affine, et j'y prends un énorme plaisir.
Je pense à mon lecteur, en permanence, je joue avec lui, je lui glisse du deuxième voire du troisième degré, je le prends par la main et je l'amène dans mon univers. De temps en temps, je lui balance une petite phrase pour le faire marrer, ou lui occuper la tête pendant ses insomnies, mais surtout pour qu'il reste bien éveillé parce que sinon il risque de rater un passage important.
J'essaie de l'inciter à relire mon bouquin, parce qu'à la première lecture, tu passes à côté de l'essentiel. Cette petite phrase, rigolote parce qu'elle semble hors contexte, absurde, ironique, si, en fait, il fallait la prendre au 1er degré, en reculant d'un pas pour considérer les personnages autrement, comme des symboles?
Ça mouline sans que je m'en rende compte et j'ai l'impression d'écrire une histoire qui existait déjà, avant, dans une autre dimension. Simplement, je l'arrange avec mes mots et ce foutu plus que parfait, mes références, mon existence, ma personnalité qui se révèle à moi en même temps.
En écrivant l'histoire de personnages fictifs, j'écris ma propre histoire. Mise en abyme.
Il faut que je relise Borgès. Encore.
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