jeudi 28 mai 2020

Twitter, un enfer inspirant?

Pour moi, Twitter s'apparente à une dystopie. Il n'a pas été conçu pour échanger véritablement, débattre, élaborer ou présenter des idées complexes, mais pour balancer des punchlines aussi assassines que vides de sens façon Zemmour ou Soral, en pire, mais avec toutes les variantes idéologiques possibles. Les "gazouillis" existent, mais ils passent globalement inaperçus. Les maîtres sont les "gros comptes", avec leurs milliers de followers prêts à écharper les impudents "petits comptes" moins doués niveau punchlines, et moins protégés par la masse. Mais il suffit d'un mot de travers, même proféré par les maîtres, pour se retrouver avec ses propres followers sur le dos. Même pas un mot de travers: un like, un retweet, suivre la "mauvaise personne", volontairement ou sans s'en rendre compte. Qu'importe? C'est terrifiant et fascinant. Imaginer cette réalité virtuelle dans la vraie réalité pourrait faire un très bon sujet pour un roman de science-fiction.

Personne ne devient grand grâce à Twitter. Personne. Même si on peut en avoir l'illusion. Par contre, il peut suffire d'un seul tweet pour foutre une réputation, une carrière voire une vie en l'air.

En bientôt trois ans de réelle activité sur ce compte, j'ai assisté à peu près tous les jours à des joutes virtuelles d'une violence inouïe. On pourrait penser qu'un réseau social permettrait d'unir les gens. Ce n'est absolument pas le cas. Les innombrables communautés ne cherchent pas ce qui pourrait les rassembler, mais systématiquement ce qui les sépare. La règle, c'est la provocation, la paranoïa, la chasse au traître, à celui qui ne pense pas totalement comme soi-même. Et le but, pour beaucoup, c'est de se faire mousser auprès de sa "communauté" en épinglant un maximum de "méchants" et en affichant au maximum combien on est "comme il faut". Surtout que personne n'est parfait. C'est une banalité affligeante, mais sur Twitter, la plupart des utilisateurs l'ignorent ou s'en fichent totalement. Il faut écraser vite et bien pour prouver qu'on mérite de rester dans son paradis artificiel. Horrifiant, mais aussi passionnant d'un point de vue de l'inspiration artistique (et sans doute d'un point de vue scientifique). Des personnages totalement improbables dans la réalité deviennent d'une banalité absolue sur ce réseau.

Bien sûr, il y a aussi ceux qui restent à l'écart, qui ignorent à peu près tout le monde, qui restent ancrés dans la réalité. Ils tweetent et ne se préoccupent que de ceux qu'ils connaissent en vrai, gardent de la distance, ne passent que quelques minutes par jour, grand max, sur ce réseau. C'est évidemment la meilleure attitude, celle qui vous évitera de finir en hôpital psychiatrique. D'un point de vue littéraire, observer, sans s'impliquer, jamais, est l'option à privilégier. Fermer sa g... au maximum, sauf pour balancer du contenu consensuel, vide, fondamentalement inutile. Le feu ça brûle. L'eau ça mouille. La guerre c'est nul. Et ignorer les provocations qui ne manqueront pas d'arriver, malgré tout.

Et aussi réserver les vraies discussions à la vraie réalité et aux vrais gens. Ou éventuellement à des espaces plus appropriés.

samedi 2 mai 2020

Non, une agression sexuelle n'est pas similaire à un viol

Attention: sujet délicat, douloureux et je vais devoir prendre des exemples qui peuvent provoquer des réactions très désagréables, en particulier chez les victimes.

Hier, sur Twitter, j'ai vu deux jeunes femmes soutenir mordicus qu'agression sexuelle et viol, c'est la même chose. Avec l'argument que pour la victime, le ressenti est le même, qu'on peut ne pas être traumatisé suite à un viol et inversement.
La frontière est floue, c'est vrai. Entre se faire toucher le sexe et se faire pénétrer digitalement, la différence, pour la victime, est négligeable. Pourtant dans le premier cas, c'est un délit, dans le second, un crime. Pourtant, elle existe, cette différence, cette frontière, et heureusement.

Je tiens à préciser que j'ai moi-même été victime de plusieurs agressions sexuelles et que dans le cadre de mon boulot, je vois et j'entends, depuis 8 ans, des dizaines, voire des centaines de victimes d'agressions sexuelles "simples" ou de viols, ainsi que leurs auteurs. C'est pourquoi cet argumentaire m'a un peu fait sortir de mes gonds. Comment on peut avoir l'indécence de dire à une victime de tournante, de Dutroux qu'elle est au même niveau qu'une personne qui va se prendre une main aux fesses par un gamin de 13 ans dans le métro? Pas moi. Jamais.
Comment on peut soutenir qu'entre un baiser de son compagnon, non consenti, et un viol par un prédateur armé d'un couteau dans un parc, on est incapable de choisir?
Comment on peut ainsi banaliser un acte que même les pires criminels condamnent?

Parce que oui mettre le viol au même niveau qu'une main aux fesses, c'est le banaliser. Ce n'est pas pour rien s'il y a beaucoup, beaucoup moins de violeurs que d'auteurs d'agressions sexuelles "simples". C'est parce qu'il y a cette frontière, aussi floue soit-elle, que peu (mais beaucoup trop quand même) osent franchir.

Oui, il y a le ressenti des victimes, qui doit avoir une grande importance dans le jugement, mais il y a aussi l'acte et la dangerosité de l'auteur. Un type qui colle une main aux fesses d'une femme dans le métro osera rarement aller plus loin, parce que dans sa tête comme dans celle de tout un chacun, il y a cette frontière. Quelqu'un qui est capable de foutre une femme à poil pour la violer, il n'a pas de limites, lui aussi il nie cette frontière et sa dangerosité est extrême. Ce qui n'est pas forcément le cas du gamin qui va le faire une fois dans sa vie, avec la tremblotte, et qui va se prendre une volée de bois vert en retour. Voilà pourquoi il est important de maintenir cette frontière entre le délit et le crime, et extrêmement dangereux de vouloir la supprimer. Un type qui est capable d'aller jusqu'au viol est évidemment plus dangereux que les autres agresseurs sexuels, même si la logique perverse est la même, même si le ressenti de la victime peut varier.

Oui, il y a une gradation. Dans mon cas, je considère sans le moindre doute que la première agression que j'ai subi est bien plus grave que celle qui a suivi, parce que je n'étais qu'un enfant à l'époque, incapable ne serait-ce que de comprendre ce qui m'est arrivé. Quelqu'un qui s'en prend à un enfant est bien plus dangereux que quelqu'un qui s'en prend à un adulte et les conséquences ne sont pas tout à fait les mêmes. Si le second m'a démolie, c'est parce qu'il a exacerbé le premier trauma. Et, adulte, j'étais en situation de me défendre. Ce que j'ai fait même si ça n'a pas du tout eu les effets escomptés. Et est-ce que pour moi ça aurait été la même chose de me faire violer? Clairement, non! Les voix des victimes de viols, et de leurs auteurs hanteront mon esprit jusqu'à la fin de mes jours, comme celles des victimes d'agressions sexuelles "simples".
Donc non. On ne peut pas mettre les deux sur le même plan, c'est indécent, grave et dangereux. Il y a une gradation. La loi est mal foutue, c'est une évidence. Quand je vois les peines qui sont prononcées, j'ai souvent envie de pleurer, par empathie pour les victimes. A titre personnel, je considère que les actes pédophiles devraient être jugés aux assises, quels qu'ils soient, comme les viols parce que la dangerosité de l'auteur est trop importante pour que ce soit au même niveau qu'une main aux fesses. Parce que, là aussi, il faut mettre une frontière, même si elle doit être floue, comme sur la question de l'âge auquel on n'est plus, aux yeux de la loi, un enfant. En ce qui me concerne, il n'y a même pas eu de jugement. Parole contre parole, faits prescrits.

Oui, une main aux fesses peut être extrêmement traumatisante et avoir de très lourdes conséquences, oui ceux qui font ça sont des ordures, oui ils sont dangereux, mais non ça ne peut pas être mis au même niveau que ce qu'a vécu cette jeune femme, que j'ai vue tomber dans les pommes en pleine audience, après avoir pleuré toutes les larmes de son corps, parce qu'un prédateur sans limites l'a violée dans un parc, un couteau à la main.
Celles qui ne seraient pas d'accord avec ça n'ont qu'à aller argumenter auprès d'elle, et lui dire, sans trembler des genoux, qu'elles aussi ont été "violées" parce que leur copain les a embrassées, une fois, alors qu'elles n'étaient pas d'accord et que ce qu'elle a vécu n'est ni plus ni moins grave.