dimanche 28 février 2021

Ma méthode d'écriture: le plan pas trop détaillé mais quand même

 Une fois qu'on a l'idée, les choses commencent donc à se compliquer. Je pourrais établir un plan ultra-détaillé, comme ça, même avec des pauses de six mois, j'aurais toujours tout sous les yeux. Mais non, ça rend l'écriture bien trop pénible. Il faut laisser une part d'improvisation, sinon je m'arrête assez vite, faute d'envie.

Il y a donc un juste équilibre à trouver. Et je ne suis pas sûre que ce soit encore le cas.

Pour Les Métamorphoses, j'ai commencé par coucher un maximum d'idées sur papier: le concept de base, les personnages, les lieux... Ensuite, j'ai écrit le début et la fin, ce qui m'a forcée à réfléchir à comment relier les deux points et j'ai noirci mon brouillon avec tous ces nouveaux événements.

Ce qui m'a semblé le plus important, c'est la caractérisation des personnages. C'est ça qui va déterminer en grande partie l'histoire basée sur leurs interactions. Il faut être au clair à ce niveau dès le départ.

Bien sûr, je me suis gardée une marge de manoeuvre, mais l'important c'est de se tenir à ce qui a été établi, sinon... le récit part dans tous les sens. Donc au fil de l'écriture, les lieux et personnages se sont approfondis, ainsi que les événements.

Pour ce roman, je tenais à ce qu'il reste léger, je suis toujours au stade de l'expérimentation. La méthode mérite encore d'être affinée. Il reste donc toujours des défauts.

Prochaine étape: le matos. C'est très important.

samedi 27 février 2021

Ma méthode d'écriture: l'idée

 Quand on n'est pas rentier, qu'on doit bosser, s'occuper de son ménage, de sa petite vie, il est à peu près impossible de se consacrer à l'écriture de fictions au quotidien. Dans mon cas, il peut m'arriver de rester six mois sans écrire, pour diverses raisons. Ce qui pose évidemment un sérieux problème. Parce qu'après tout ce temps, je ne me souviens évidemment plus des détails. Pour bien faire, il faudrait que je reprenne à zéro.

De la même façon, écrire ne serait-ce que 200 pages et se rendre compte qu'il y a un problème de structure, qu'il faudrait tout réécrire depuis le début, c'est assez traumatisant. Si ça correspond à quelques semaines ou quelques mois, c'est gérable. Dans mon cas, ça se compte en années.

L'image de l'écrivain qui tape frénétiquement sur sa machine à écrire avant de jeter avec rage sa production ne me convient donc pas du tout.

J'ai besoin d'un plan sur lequel me reposer, d'une méthode qui me permette d'éviter de repartir à zéro, un support.


Mais d'abord, il y a l'idée. Ca ne se maîtrise pas. L'esprit vagabonde et paf elle vient, le coeur se met à battre, les nerfs à se tendre de façon agréable, on la développe, on la travaille, on la juge. Est-ce qu'elle vaut le coup?

Des idées, j'en ai énormément. Je doute de vivre assez longtemps pour toutes les mettre en forme. Là aujourd'hui, sans réfléchir, j'en ai quatre qui me viennent, qui sont à l'étude depuis plus ou moins longtemps. Il y a le projet de réécriture d'un roman que j'ai déjà terminé mais... qui est mal amené, faute de méthode efficace. Plus récemment, l'envie m'est venue d'écrire une comédie romantique entre une personne trans et une travailleuse du sexe, mais il faut que j'y réfléchisse longtemps. J'ai aussi dans les tuyaux depuis un moment un livre plus autobiographique sur mon parcours de transition, mais il est bien trop tôt. Le plus concret reste Les Chroniques de Douchain, qui nécessite encore un gros travail de préparation.

Souvent, je mêle mes idées, même si en apparence elles n'ont rien en commun. Surtout quand elles n'ont rien en commun. Il y a donc une phase de maturation qui est plus ou moins longue. Quand je finis par oublier une idée, c'est qu'elle était mauvaise, ou qu'elle a besoin d'être mélangée avec une autre idée, que je n'ai pas encore eue. Si elle commence à m'obséder et que j'ai des phrases toutes faites qui me viennent, c'est qu'elle est mûre.

Néanmoins, mûre, ça implique aussi un énorme travail. Toutes les idées qui me viennent sont géniales, forcément, mais... il n'est pas toujours simple voire possible de les mettre en oeuvre. Il faut les faire tenir sur la distance, c'est ce qu'il y a de plus compliqué. Une comédie romantique entre une personne trans et une travailleuse du sexe... c'est beau, ça intrigue, mais... il leur faut une histoire, une personnalité, des tics, trouver comment les rassembler, pourquoi, ne pas oublier les rebondissements... Un roman, une nouvelle, une pièce de théâtre, ce n'est pas juste une idée, mais des dizaines, des centaines, des milliers...

Et il faut trouver un chemin pour aller les chercher et les agencer correctement. Bien sûr, on peut se lancer, se faire confiance et découvrir les idées au fur et à mesure. C'est la méthode la plus agréable pour écrire, mais sauf pour des textes très courts, et encore, le résultat est rarement bon. On se perd, on s'éparpille, on se contredit... C'est le meilleur moyen pour se dire, après trois années d'écriture: "merde, il faut que je reprenne depuis le début, je suis trop partie dans tous les sens". L'autre problème, c'est que repartir depuis le début dans ces conditions, c'est nettement plus pénible.

D'où la nécessité de développer une méthode qui conserve au moins en partie le plaisir de la découverte et de l'invention, tout en évitant de devoir tout recommencer. Mais ce sera pour un prochain article.

dimanche 14 février 2021

Mon expérience du paranormal (2)



L'air de rien, le précédent article commençait à devenir long, alors j'en ouvre un second. Ce sera sans doute plus pratique à lire.

Et j'attaque avec mon passage préféré, sans conteste. J'ai probablement vécu le fantasme d'au moins deux générations. Au point qu'encore aujourd'hui... j'ai vraiment envie de croire que c'était réel, que ce n'était pas une illusion ou une hallucination. J'aimerais tellement pouvoir reproduire ce phénomène...

Pour poser le contexte, je me rapprochais de la puberté, qui a débuté à mes 15 ans, l'agression sexuelle que j'ai subie était forcément derrière moi à ce moment et... mes colères, fréquentes, faisaient clignoter les lampes. C'est du moins ce que je croyais. En réalité, j'imagine qu'il y avait de nombreuses baisses de tension dans la ville. N'empêche que j'ai déjà réussi à allumer une petite LED juste en la tenant entre mes doigts. Là, je reconnais que je n'ai pas d'explication, mais il doit bien y en avoir une.

Cela dit, ça pouvait être assez impressionnant. Je me souviens que mon cousin avait écarquillé les yeux, une fois, en me voyant faire. Mais ça, c'était rien du tout.

Le jour qui nous intéresse, on m'avait prêté une Super Nintendo, avec le tout premier jeu Dragon Ball Z, si mes souvenirs sont bons. Et à l'époque, les jeux vidéos et Dragon Ball Z... c'était l'essentiel des conversations chez les gamins de mon âge. Alors, j'en ai bien profité de ce prêt et j'y jouais de façon frénétique. Je me débrouillais vachement bien.

Mais au niveau le plus compliqué, impossible de vaincre C-16. Malgré mon habileté, malgré tous mes efforts, il contrait toutes mes attaques et finissait toujours par m'envoyer au tapis, quel que soit le personnage que je pouvais prendre. Je me suis acharnée, j'étais ultra concentrée, consciente que la moindre erreur me serait fatale, mais non, impossible. Comme je l'ai dit, j'avais quelques problèmes pour maîtriser mes nerfs. Alors j'ai soudainement piqué une crise, de rage, de frustration. J'ai jeté la manette avec violence et je me suis agenouillée devant la télé. J'avais fermé les yeux et contracté tous mes muscles pour retourner ma fureur contre moi-même, d'une certaine façon.

Et puis, brusquement, je me suis sentie totalement apaisée. J'ai ouvert les yeux: autour de moi, il y avait de petites formes lumineuses qui tournaient, lentement, comme une aura d'énergie. Et moi j'étais là, éberluée, je n'y croyais pas, et pourtant, j'ai pu suivre le mouvement de ces formes pendant quelques secondes, avant qu'elles ne disparaissent.

Evidemment, c'est arrivé alors que je jouais à Dragon Ball, seule. Sacrée coïncidence. Une hallucination liée à la crise de nerfs, sans doute. Mais voilà. Depuis, je peux pas m'empêcher de penser que les auras, les auréoles, Dragon Ball et les Chevaliers du zodiaque, ça doit bien se baser sur un fond de réalité. Je me dis que si j'ai réussi une fois, pourquoi je n'y arriverai pas de nouveau, un jour, lorsque les circonstances le permettront, ou l'exigeront.

Je rêve, je fantasme... Mais ça ne s'est jamais reproduit. Et à part me calmer, pas sûre que ça pourrait servir à autre chose, si c'était bien réel. Et les baisses de tension se sont largement raréfiées.

A ce stade, il me semble nécessaire de faire un nouveau point de contexte et d'introduire ma tante (en tout bien, tout honneur). Niveau paranormal, nous étions globalement sur la même longueur d'ondes, elle et moi. D'après ce qu'elle m'avait raconté, sa maison était hantée. Ses jeunes enfants lui avaient dit qu'ils jouaient régulièrement avec un troisième, à l'étage. Une fois, en rentrant des courses, alors que la maison était vide, elle a entendu des pas gravir précipitamment les marches de son escalier. Son mari, alors qu'il s'était levé pour aller aux toilettes, a senti une main sur son épaule. Et enfin, des appareils électriques débranchés se mettaient à fonctionner. Ambiance. Et mensonges destinés à se moquer du pré-ado que j'étais encore? Ou, là aussi, mauvaises interprétations? Qui sait?

Toujours est-il qu'elle a eu le malheur de m'apprendre à tirer les cartes. Outre que je suis toujours censée rencontrer une jeune blonde avec laquelle je dois finir ma vie, j'étais très douée. Chaque fois que j'ai prédit un décès, ça n'a pas manqué, mais j'y reviendrai. J'étais tellement douée (la prédiction sur la jeune blonde, c'était ma tante, en vrai) qu'une fois j'ai tiré les cartes à la soeur d'un ami et qu'à la fin, quand j'ai vu sa déception, je lui ai expliqué que l'idéal aurait été qu'elle retourne l'arcane XXI, "Le Monde"... tout en retournant cette carte, avec assurance, au milieu d'une dizaine d'autres. La soeur m'a regardée avec les yeux écarquillés. C'est ce qui m'a fait comprendre que ce n'était pas très "normal", sauf pour une médium douée bien sûr. Gros coup de bol, bien sûr.

Mais ce n'est pas l'événement le plus marquant.

Pour me faire plaisir, ma tante m'a emmenée chez une de ses amies, medium réputée, sans doute parce qu'elle commençait à me croire quand je lui disais que je me sentais "maudite". Elle n'a pas été déçue. J'ai tiré les cartes et la médium s'est mise à pleurer. Il paraît qu'elle n'avait jamais vu un tirage aussi mauvais et que j'étais effectivement maudite. Le diable en avait après moi, pour une raison inconnue. Elle semblait vraiment très triste, surtout que j'étais bien jeune pour me retrouver dans une telle situation.

Quand on est sorties de là, ma tante a eu besoin de s'appuyer contre un mur pendant quelques minutes. Elle n'avait jamais vue son amie dans un tel état et elle avait pris conscience de l'horreur que je vivais.

La médium m'avait "prescrit" une neuvaine, à base de prières à heures régulières, qu'elle devait faire en même temps que moi. Par téléphone, elle m'expliquait que chaque fois on lui faisait payer sévère ses tentatives pour me sauver du démon. Mais ça n'a pas fonctionné.

Je vous laisse un peu imaginer l'effet que peut produire ce genre d'événements sur l'enfant que j'étais toujours.



Me voilà au lycée. Je voulais partir en filière littéraire, mais mon père a fait en sorte que je fasse de l'économie. Je me suis donc retrouvée dans l'un des pires lycées de la région, et ma puberté n'avait pas encore commencé. J'ai haï mon père pour ce sale tour. J'avais espéré que le harcèlement que je subissais s'arrêterait, c'était exactement l'inverse. Bienvenue en enfer.

Vous savez le pire? C'est que je n'ai pas vraiment étudié ces fameuses sciences économiques et sociales. La prof a été en arrêt maladie pour dépression à peu près toute l'année, sans remplaçant. Le reste du temps, elle se faisait insulter, menacer et des chaises volaient pendant ses cours. Elle faisait semblant de s'en foutre. Moi aussi. Elle et moi, on était les faibles sur lesquels on pouvait s'essuyer les pompes, histoire de passer pour quelqu'un de moins faible que nous.

Tout cela a évidemment renforcé le sentiment que j'étais "maudite". Comme si une entité démoniaque s'acharnait sur moi.

Néanmoins, je n'ai aucun souvenir d'événements paranormaux au cours de ma première seconde. Hormis que je tirais les cartes et que j'ai prédit mon premier mort: un copain que j'avais connu au collège. On s'était perdus de vue. C'était un type vraiment bien.

Puis, j'ai redoublé ma seconde. Forcément. Ma puberté a commencé et j'ai estimé nécessaire de muscler mon jeu, de me viriliser. Dans une certaine mesure. Parce que le problème, c'est qu'avec la puberté, s'est présentée un nouveau problème: ma transidentité. Nous étions en 1995, personne n'en parlait sauf pour se moquer, montrer du doigt, mépriser... Personne.

Alors j'ai interprété ça avec ma propre logique. J'étais possédée par un esprit féminin qui se manifestait de temps en temps, qui m'empêchait d'être totalement viril, qui me poussait à détester tout ce qu'il y avait de masculin chez moi, qui m'empêchait, évidemment, d'approcher les filles qui me plaisaient, qui me tourmentaient en permanence et me donnait des idées bizarres. C'était tellement plus acceptable que d'être... trans?!

L'idée était déjà dans ma tête depuis quelques temps, mais ça n'avait fait que s'accroître jusqu'à assez récemment.

Je vous laisse imaginer le conflit interne: d'un côté la puberté et la nécessité faisaient de moi un homme, et en même temps... Et tout ça dans une filière littéraire, cette fois. Mon père a cédé. Donc un univers de plus en plus féminin.

C'est aussi à cette période que j'ai découvert la clope, l'alcool et le cannabis. Sale cocktail, non?


A vrai dire, j'ai peu de souvenirs "paranormaux" sur la période du lycée. Il y avait la cartomancie, quelques coïncidences et c'est à peu près tout. J'étais néanmoins persuadée d'être "le fils du diable". Un grand classique de l'adolescence, j'imagine. Surtout quand on a un père... imparfait, et diabolisé. Logique. Le truc rigolo, c'est que j'avais une... forme sur le visage: un rond avec trois queues. Comme un 666 stylisé, en somme. J'ignorais ce qu'était une paréidolie à ce moment, bien sûr. J'étais mal dans ma peau, je ne comprenais pas ma dysphorie, je ne me sentais à ma place nulle part.
Et puis, il y avait ces cauchemars qui commençaient à s'amplifier. Des scènes ténébreuses, envahies de serpents, d'araignées, de sorcières, de monstres... Mémoire traumatique, mais ça je n'en savais rien. J'avais oublié l'agression que j'avais subie. Le souvenir ne reviendrait qu'en 2005.
Par contre, dans mes tirages de cartes, la mort revenait souvent. Celle d'un jeune homme, brun...
J'avais deux groupes d'amis ces années-là. L'un d'eux les avait surnommés "Les Sans avenirs" et "Les Galériens". Ambiance. Jusqu'aux années 2000, je traînais plus avec Les Galériens, une bande de prolos rigolos où je passais pour l'intello.
Parmi eux, il y avait un jeune type beau, sportif, pompier, courageux qui nous tirait tous vers le haut, quitte à ce que ce soit par la peau du dos. Un modèle. Il buvait pas, il fumait pas, il se droguait pas et il était tout sauf chiant. Sa mère était la bonté incarnée, elle riait toujours et nous accueillait chez elle, dans son garage à longueur d'année. C'était un peu notre repère. J'avais peut-être des sentiments pour sa soeur, aussi. Mais j'étais trop nouille pour tenter ma chance.
Mais voilà, il était jeune, il était brun et, d'une certaine façon, ses qualités l'ont tué.
Nous étions fin janvier 1999. Il gelait à pierre fendre. J'étais avec deux potes, devant chez moi quand il est passé avec sa belle voiture toute neuve. Il venait de se trouver un boulot qui payait bien en Belgique qui lui avait permis, en prime, de s'acheter une maison qu'il retapait, avec sa copine. Il était avec elle, sa soeur et quelques potes, répartis dans deux voitures. Ils allaient en Hollande, j'ai décliné l'invitation.
Sur l'autoroute, l'autre voiture a glissé, a percuté la rambarde et a crevé avant de s'immobiliser sur la voie de gauche. En bon pompier, il a réussi à garder le contrôle de son véhicule et à se garer un peu plus loin, sur la bande d'arrêt d'urgence. Il est sorti pour aller porter secours à ses amis. Une voiture l'a fauché dès sa sortie.
Il a mis plusieurs semaines avant de mourir. Avant ça, il a eu le temps d'annoncer que sa copine était enceinte. Je ne croyais pas qu'il pouvait mourir. Je n'y croyais pas. Pas lui. Pas à cet âge. Je pensais qu'il s'en tirerait, qu'il serait handicapé, peut-être... Quand ma mère m'a annoncé sa mort: j'ai répété en boucle ce simple mot: "non".
J'ai lâché mes études pour me retrouver avec la bande, la famille. Mon père n'a pas du tout apprécié et j'ai dû me dresser face à lui, mais c'est une autre histoire.
Par contre, peu après sa mort, alors que j'étais chez mes parents. Je me suis levée pour regarder un film, pendant que mes parents étaient couchés. En passant à côté d'une horloge, son "tic tac" est soudainement devenu beaucoup plus fort. J'ai senti qu'il se passait quelque chose, mais j'ai poursuivi ma route. Je suis passée à côté de la cheminée, éteinte, mais remplie de bûches. Alors que je passais à côté, le feu s'est allumé, seul et il a flambé comme si d'énormes poumons lui soufflaient dessus en permanence.
Je suis restée longtemps sur le canapé, à regarder ce feu, sans comprendre, sans savoir ce que je devais ressentir. La télé fonctionnait, sans public.

A partir de là, j'ai commencé à sérieusement dérailler. Et les cauchemars sont devenus quotidiens, et totalement insoutenables.


Je n'ai pas déraillé tout de suite. Pendant à peu près un an, j'étais en mode "combat". J'ai même voulu entrer dans l'armée. J'ai passé les tests. Niveau cerveau, je pouvais intégrer Saint-Cyr, j'avais la force de caractère, l'intelligence et bientôt le diplôme pour. Niveau physique... Il valait mieux que je poursuive mes études de lettres.
Dans le même temps, ma mère m'a suggéré de me barrer du domicile familial, parce qu'elle estimait que les tensions entre mon père et moi étaient trop fortes. Peut-être aussi pour d'autres raisons moins avouables. Alors, je l'ai fait. J'ai trouvé refuge là où je m'étais toujours sentie protégée, bien: la maison de ma grand-mère. Sauf qu'elle était en EHPAD, que son ancien domicile n'était plus qu'une ruine insalubre et que mon oncle, qui y vivait toujours, était désespéré. 
J'ai pris ça comme une sorte de challenge. Dans ma tête, j'étais un militaire, en pleine guerre, qui devait dormir dans une piaule avec la fenêtre cassée par moins 10, au milieu des champignons, sans eau chaude, dans une poussière qui refusait de partir. Mais au bout d'un moment, même un mental propice à passer Saint-Cyr finit par flancher.
Sans trop m'en rendre compte, j'ai augmenté ma consommation de clopes, et de cannabis. Mes cauchemars se sont largement amplifiés. Alors l'idée qu'une entité occulte voulait me détruire s'est aussi imposée. Parmi mes amis, c'était la décadence. La disparition du modèle ne pouvait pas avoir de bons effets. A partir de là, il était simple de me démolir. Il suffisait de me faire revenir dans mon refuge, ma bulle et de le transformer en enfer. J'avais déjà perdu ma grand-mère avec Alzheimer, avec mes parents, c'était plus que conflictuel. Il restait mon oncle, que j'aimais comme un père.
Une femme dénommée Carmen l'a retourné contre moi. Traduction de Carmen: "sorcière". Comme dans mes cauchemars. C'était une mythomane, mais il faut du temps pour s'en rendre compte. Je crois que mon oncle doit toujours croire à ses inventions, même 20 ans après. En tout cas, autant que je sache, ils sont toujours mariés. Et moi, je suis l'ennemie. Parce que j'étais proche de découvrir la vérité, que je n'aurais pas manqué de dévoiler à mon oncle.
Ca a été le coup de grâce. J'ai dû revenir chez mes parents, malgré les tensions. Et je me suis effondrée, mentalement, à partir d'août 2000. Ce n'est pas complètement terminé. Je suis simplement stabilisée.
Pendant plusieurs années, j'ai tenu un journal intime, dans lequel j'ai écrit des passages qui aujourd'hui me terrifient. Où je parle de possession, de démons, de malédictions... Mes émotions partaient dans tous les sens et m'ont fait perdre toute lucidité. J'ai fini par devenir hyper rationnelle. J'ai chassé le paranormal de ma vie, pour ne pas finir en hôpital psychiatrique. C'était le but de mon journal intime: rationaliser, chercher des explications, des solutions logiques à mes problèmes.
J'ai beaucoup trop souffert à cause de toutes ces histoires. Beaucoup trop.

Néanmoins, j'essaie de les exploiter dans le cadre de mes fictions. Elles continuent à nourrir mon imaginaire, et je sens bien qu'elles sont prêtes à ressortir, si jamais la vie me fait de nouveau perdre les pédales. Parce qu'elle est tout de même très séduisante, cette façon d'interpréter l'univers, non?




[Je remplirai cet article au fur et à mesure, quand l'envie me prendra. Et il y a quand même pas mal d'épisodes.]