dimanche 21 janvier 2024

Pourquoi j'écris?

 Je suis en train de lire Écriture, histoire d'un métier de Stephen King et en même temps j'écris une nouvelle sur des thèmes qui me tiennent particulièrement à coeur. Voire qui m'obsèdent depuis longtemps.

En réfléchissant, je me suis rendu compte que cette histoire, c'est sans doute ma plus ancienne histoire, la fondatrice. Ma genèse.

J'ai déjà parlé de mes histoires de fantômes et, un peu, du lien avec ma créativité. Je vais développer cet aspect. 

Il s'agit du premier événement dont je me souvienne. Un fantôme, noir, qui m'est apparu alors que j'avais peut-être trois ou quatre ans. J'en ai aujourd'hui quarante-quatre et je peux vous dire que j'ai élaboré un nombre conséquent de théories à propos de cet événement. Et c'est ça qui, désormais, m'intéresse.

Que ce soit un vrai fantôme, une terreur nocturne, un cauchemar ou autre n'a plus pour moi véritablement d'importance. Par contre, je note que cet événement a été fondateur pour moi. Parce que dès que l'apparition est partie, évidemment, j'ai hurlé. Ma mère est arrivée et je me souviens qu'elle était pas contente. Pas contente du tout. Moi, avec mon langage balbutiant, j'essayais de lui faire comprendre l'événement terrifiant que je venais de vivre. Je pense que si elle était venue auprès de moi, qu'elle m'avait rassurée, qu'elle m'avait convaincue que j'étais en sécurité, que ce n'était que mon imagination, mon destin aurait été très différent.

Parce que, là, je me souviens aussi clairement de cette apparition que de la réaction exaspérée de ma mère. Alors, cette histoire, je l'ai racontée de nouveau. Et encore. Et encore. Au collège, je continuais à la raconter et on me disait que j'étais dingue. Au lycée, je la racontais toujours, et puis une fois adulte et à quarante-quatre ans, je la raconte encore.

Je l'ai racontée parce que j'avais absolument BESOIN d'être crue, et rassurée. Et, bien sûr, au fil des années, mon récit s'est amélioré au rythme de mes progrès en français et en rédaction. Si bien qu'aujourd'hui, je sais que je n'ai jamais menti, mais j'ignore à quel point mon souvenir a pu s'altérer. Des yeux rouges? Est-ce que ce fantôme a toujours eu des yeux rouges? Je ne sais pas.

Outre la maîtrise de la langue, il y a aussi mon évolution culturelle, mon intention qui ont altéré mon histoire. Pendant très longtemps, il me fallait absolument convaincre mon auditoire qu'il s'agissait d'un authentique phénomène paranormal: fantôme, ange, démon, génie... Qu'importe? Mais ce n'était pas un mensonge, et je ne pouvais pas admettre, à ce stade, qu'il pouvait s'agir d'un simple cauchemar, d'une hallucination, d'une terreur nocturne. Pourquoi? Parce que j'avais raconté tant de fois cet événement, il avait pris une telle importance que ce n'était plus concevable.

Ensuite, j'ai mûri, j'ai eu besoin de rentrer un minimum dans le moule, ou, à tout le moins, de ne pas trop me marginaliser, alors, ok, j'ai cru pendant longtemps que c'était un authentique fantôme, mais j'étais un gosse donc j'ai pu me tromper.

Devenue adulte, j'ai pris mes distances avec cet événement, qui ne valait plus que je le raconte de façon obsessionnelle, vu que ce n'était probablement qu'une terreur nocturne.

Sauf que mon esprit créatif s'était aiguisé pendant tout ce temps, avec cette histoire et les autres, ce qui m'a amené à le mettre en perspective, à m'en servir pour explorer le champ des possibles.

Toute mon adolescence, j'ai interprété cet événement comme le signe que j'étais quelqu'un d'important, une élue de Dieu, du diable, de puissances occultes et supérieures. Un truc dans le genre. Parce que ça n'arrive pas à tout le monde, ça, quand même. Vous en conviendrez.

De là, m'est venue l'idée, un jour, que, peut-être, ce fantôme, c'était moi. Mon moi du futur venu sceller mon destin, essayer de m'expliquer quelque chose...

Vous le voyez, là, le processus créatif?

Et si ce moi était venu du futur pour s'assurer que je deviendrais bien écrivain?

Dans la nouvelle que je suis en train d'écrire, il n'est pas question de moi. Pas directement, mais il est question de voyage dans le temps et dans les dimensions, de "fausse" divinité, de rêve, de cauchemar...

Je suis encore en train de raconter cette histoire, au final, mais version science-fiction, avec de la distance et la somme de toutes mes réflexions depuis ma petite enfance. Elle commence, d'ailleurs, par une version à peine améliorée des aventures que je m'inventais, avec mes figurines des Chevaliers du Zodiaque, de Musclor, des GI-Joe... 

Et, peut-être qu'en mentant délibérément, en exagérant, en transformant ce fait réel mais altéré en fiction, on finira par me croire. Et me rassurer. Et m'aimer.

Critique: Volna, de Christophe Siébert

 




Deuxième livre de Christophe Siébert que je lis en quelques mois, avec l'angoissant Feminicid. Volna se présente sous une forme plus classique: c'est un roman qui nous raconte l'histoire de plusieurs personnages, avec un début cataclysmique, une intrigue surprenante, des rebondissements terrifiants et une fin... Y-a-t-il de l'espoir dans cette cité-État de Mertvecgorod que Christophe Siébert nous dévoile brique par brique? Je vous laisse le découvrir.

Dans le fond, l'important, c'est ce pays fictif situé entre l'Ukraine et la Russie, corrompu jusqu'à ses tréfonds où tout n'est que toxicité. Les personnages ne semblent être que des prétextes pour nous montrer jusqu'où le vice peut aller. C'est la loi de la jungle, en pire. À travers cette histoire de capucin compromettant, l'auteur nous montre un avenir aussi possible que dégueulasse. Possible parce que profondément humain. Dégueulasse parce que... profondément humain. Ce qu'il nous montre, c'est l'interaction entre un cadre hideux et pollué avec des hommes et des femmes qui essaient d'y survivre, d'y échapper, d'oublier leur condition en laissant libre court à leurs pulsions les plus immorales. Un cercle vicieux qui engloutit et tout le monde. Sauf l'espoir, donc, incarné par ce singe qui représente un paquet de pognon et qui peut donc améliorer l'atroce condition des deux personnages qui le trouvent, leur permettre de quitter ce dépotoir géant où il pleut de l'acide, ou de s'y faire une place un peu moins inconfortable.

Sauf que c'est l'anarcho-libéralisme qui règne à la RIM: chacun pour sa gueule et d'autres rêvent aussi de le récupérer, ce foutu singe, pour les mêmes raisons, ou pour conserver leurs privilèges.

Ce qui nous amène à une histoire narrée à travers des chapitres très courts, parfois moins d'une page, parce qu'on est dans le mouvement permanent, l'action et que c'est par leurs actes que les personnages se définissent. Le livre est lui aussi très court. C'est un direct dans la tronche. Pas de détour, droit au but.

Et puis, il y a Volna ou plutôt Alina, qui semble mieux adaptée que les autres.

J'admire particulièrement cette construction, minutieuse, de tout un univers, avec des livres qui entrent en résonance les uns avec les autres. De la science-fiction bien moderne, bien ciselée, bien contre-utopique et bien flippante.

Là encore, je recommande chaleureusement.