dimanche 29 octobre 2023

Critique: L'étoile de mer, de Popier Popol

 



Petite précision: j'ai lu ce livre alors que je subissais une polysomnographie. Autrement dit, je me faisais scruter le sommeil pour savoir si je fais de l'apnée ou s'il y a une raison physique, mesurable à ma fatigue chronique. Spoiler: Non. C'est donc très certainement psychologique.

Mais on s'en fout, c'est pas le sujet. C'est juste que j'étais particulièrement crevée quand j'ai lu L'étoile de mer, aux éditions grevis.

Déjà, c'est quoi, ce machin? J'ai envie d'appeler ça de la poésie, donc je le fais: c'est de la poésie. Popol (tu permets que je t'appelle Popol?) nous parle du quotidien de Nathalie, un quotidien assez pénible, mais pas épique. Quotidien. D'une douloureuse banalité. Son boulot nul, sa vie sentimentale pas franchement passionnante... Je le vends bien, hein? Non, mais en fait, c'est là que c'est génial: c'est super bien raconté.

Vous savez à quoi il me fait penser, ce livre? À Leïla Bekhti. Si, si! Et surtout à sa recette de lasagnes. Je suis pas foutue de savoir si ça semble mangeable, comme recette, parce qu'elle raconte ça comme si c'était la plus abominable des tragédies, et ça nous donne envie de pleurer avec elle. Du coup, on explose de rire.



Ben là, c'est pareil. C'est triste à mourir, comme existence mais comme c'est raconté de façon atypique, ben c'est souvent rigolo. Et quand c'est pas rigolo, c'est émouvant. En tout cas, c'est jamais chiant. C'est pour ça que je parle de poésie: tout est dans la formulation, le choix de mots. C'est court, c'est léger, jamais pompeux, ça transpire d'humilité et, paradoxalement, d'amour. Notamment pour Philippe Poutou.

De toute façon, dès les premières pages, j'ai été séduite par la petite référence à la con qui va bien, je cite: "(léléla)".

Si t'as moins de trente ans, tu ne peux pas comprendre et c'est ça qui est bon.

Bref, lisez Popol, lisez L'étoile de mer.

dimanche 22 octobre 2023

Critique: Football factory, de John King

 



C'est mon deuxième John King, après Skinheads, et je comprends son succès. La parenté avec Welsh est évidente. Tous deux aiment les prolos britanniques honnis : hooligans, skins, toxicos... et ils les décrivent avec précision et un certain amour. On sent qu'ils ont fréquentés, qu'ils les connaissent, qu'ils en font peut-être même partie, d'une certaine manière.

Avec Football factory, aux éditions de l'olivier, King nous plonge dans une bande de potes liés par leur club, leur histoire et... leur virilité. Ils voyagent en Angleterre, au gré des matchs, dans les différents clubs qui affrontent leur équipe de Chelsea, au milieu des années 90, quand des hordes de supporters se tapaient sur la tronche en marge de chaque match.

Comme pour Skinheads, l'idée est de leur donner des noms, des visages, des parents, de les humaniser, de nous amener à les comprendre, à comprendre comment on en vient à se faire démolir la tronche par d'autres types qui partagent la même passion, mais pas le même maillot, à frôler la mort, à se retrouver en taule et à en éprouver une certaine fierté.

Football factory s'apparente à un travail journalistique, en immersion. King privilégie le réalisme. C'est la différence avec Welsh, qui met en scène des personnages plus marquants, dans des histoires continues. Là, King évacue ce qui ne va pas dans le sens de sa démonstration. Il n'y a pas d'histoire, mais des histoires avec des personnages récurrents qui ne se démarquent pas vraiment les uns des autres.

Le but n'est pas de nous divertir, de nous amuser, encore moins de nous prouver à quel point King écrit bien. Non, le but c'est de nous montrer l'univers du football anglais dans les 90's, avec une certaine précision.

Et c'est incontestablement réussi.


La prochaine critique portera sur un livre totalement différent qui s'intitule L'Étoile de mer, de Popier Popol. Je l'ai déjà terminé, et il est très bon.


dimanche 15 octobre 2023

La magie de l'écriture

 Quand je relis mes derniers textes, j'ai souvent cette impression très étrange que... c'est tellement bon que j'ai l'impression que ça a été écrit par un autre. Avant, quand je me relisais, au bout d'un moment j'en venais à me dire "oui, ok, il y a de bonnes choses, mais...".

C'est comme si, depuis quelque temps, une muse avait décidé de me souffler ce que je dois écrire.

En général, le matin, je me relis, et je trouve toujours des petites choses à améliorer. Des incises à préciser, des virgules à ajouter, des répétitions à éviter, des formulations à clarifier... Et là, je sais, sans conteste, que c'est moi qui pilote.

Mais l'après-midi, je suis dans la phase création et c'est totalement différent. 

J'ai décidé de me mettre devant mon traitement de texte à 14h. Comme je suis une rebelle, la plupart du temps, il est au moins 14h30 quand j'y reviens. Là, je pousse un grand soupir en me demandant ce que je vais raconter. Comme rien ne vient, je me réfugie sur mes réseaux sociaux, et le temps passe...

Vers 15h30, j'en suis toujours à me dire que je suis une fraude, que je suis naze. Particulièrement en début de semaine. En ce moment, je bute particulièrement sur l'usage du plus que parfait et j'en viens à m'interroger sur ma prétention à écrire des romans alors que je ne maîtrise même pas ce basique.

Sauf que, je sais, au fond de moi, que tout ça va se débloquer vers 16h, comme par magie.

Je vais lancer une phrase, et là, mon cerveau, ma muse, la magie - appelez ça comme vous voudrez-, va se mettre à fonctionner et ça peut aller jusqu'à une frénésie difficile à arrêter.

"Et là bam, je lui fais faire ça, et puis elle dit ça et pif l'autre, elle réagit comme ça. Il suffit que je l'amène comme ça. Allez, je fonce, je m'occuperai des détails plus tard. Plus que parfait ou passé composé? Plus que parfait, évidemment!"

Et le récit se déroule, naturellement, de façon logique, cohérente. Évidente. Mes personnages s'agitent comme s'ils étaient réels. Je suis le vague plan que j'avais en tête au départ, et je l'habille de multiples détails, je le change, je le peaufine, je l'affine, et j'y prends un énorme plaisir.

Je pense à mon lecteur, en permanence, je joue avec lui, je lui glisse du deuxième voire du troisième degré, je le prends par la main et je l'amène dans mon univers. De temps en temps, je lui balance une petite phrase pour le faire marrer, ou lui occuper la tête pendant ses insomnies, mais surtout pour qu'il reste bien éveillé parce que sinon il risque de rater un passage important.

J'essaie de l'inciter à relire mon bouquin, parce qu'à la première lecture, tu passes à côté de l'essentiel. Cette petite phrase, rigolote parce qu'elle semble hors contexte, absurde, ironique, si, en fait, il fallait la prendre au 1er degré, en reculant d'un pas pour considérer les personnages autrement, comme des symboles?

Ça mouline sans que je m'en rende compte et j'ai l'impression d'écrire une histoire qui existait déjà, avant, dans une autre dimension. Simplement, je l'arrange avec mes mots et ce foutu plus que parfait, mes références, mon existence, ma personnalité qui se révèle à moi en même temps.

En écrivant l'histoire de personnages fictifs, j'écris ma propre histoire. Mise en abyme.

Il faut que je relise Borgès. Encore.

dimanche 1 octobre 2023

Critique: Martin Eden, de Jack London


 

Ne prêtez pas attention à ce vernis mal foutu: je ne suis pas douée, mais c'est pas le sujet.

J'entends dire depuis longtemps que Martin Eden est le chef-d'oeuvre de London donc j'ai voulu découvrir cet auteur par ce livre. J'avais déjà lu une biographie du bonhomme, très intéressante. Un prolo, vraiment parti de rien, viscéralement socialiste, qui a appris à maîtriser le langage alors qu'il vivait d'improbables aventures aux quatre coins de la mappemonde. Et ce livre est en grande partie inspirée de sa vie.

Sauf qu'ici, il n'est pas question de voyage exotique, mais plutôt de voyage intérieur. London nous plonge dans la peau d'un écrivain en devenir, qui apprend à maîtriser la langue en autodidacte, qui se méprend sur le fonctionnement éditorial, qui devient arrogant et... termine particulièrement déçu d'avoir atteint ses objectifs.

Il voulait montrer au monde quel génie il était, y parvient et... se retrouve confronté à l'hypocrisie du monde qu'il a toujours fréquenté. Hé oui, hier, on le conspuait, aujourd'hui, on l'adule, alors qu'il a toujours été la même personne.

Le moment était parfaitement choisi pour lire ce livre, puisque... je suis dans une position comparable à celle du personnage, au milieu du récit. Moi aussi, j'écris depuis des années, avec de très modestes résultats. Moi aussi, j'ai sacrifié énormément de choses pour écrire. Comme lui, je suis pauvre, par "choix", parce que je veux avoir du temps à consacrer à l'écriture. Comme lui, je suis très seule. Comme lui, quand je parle de mes textes, les gens me regardent comme si j'étais un enfant de trois ans qui vient de dessiner une maison avec un gros soleil qui sourit. Moi aussi, je suis arrogante, mais... je peux aussi me montrer humble. J'ai conscience d'avoir encore des défauts, même si j'en ai déjà corrigé beaucoup. Je continue à apprendre et à m'améliorer.

Tout écrivain en devenir devrait lire Martin Eden qui constitue un beau témoignage sur l'écriture, à une époque, aux Etats-unis mais qui conserve une portée universelle.

Je trouve néanmoins l'oeuvre un peu naïve, parfois poussive, pas totalement maîtrisée, avec une fin, que je connaissais par avance, assez décevante. Mais c'est sans doute mon arrogance qui parle.

Il n'en demeure pas moins que je ne regrette pas du tout ma lecture, et que je lirai sans doute d'autres œuvres de London.

Rendez-vous compte que je n'ai encore jamais lu Les Trois Mousquetaires. C'est dire s'il me reste des "classiques" à découvrir. Il figure sur ma pile à lire.

En attendant, c'est John King et Football factory que j'ai déjà attaqué. Et il me déstabilise toujours, John. C'est pas son truc, les romans linéaires, hein?